Pêcheresse en lieu saint

Le rideau d'Hécate était tombé depuis bien longtemps...
En ce lieu consacré et déserté de toute présence humaine se tenait cependant une grande et fine silhouette toute en courbes alléchantes agenouillée face à la statue toute de grâce de la vierge.
Etrange tableau en vérité que cette impie en position de foi dont le regard démentait toute réelle ferveur en cette opium que constituait la religion.
Recherchait-elle réellement l'absolution ou pensait-elle accéder à la paix de son âme damnée ?
La réponse se trouvait au confin des méandres de son esprit épars et égaré.

En réalité la science prenait le pas sur le mysticisme en son âme, aussi ne se trouvait elle point là pour réclamer une quelconque miséricorde d'une quelconque entité transcendante....Certes non...
Car il lui semblait plus souvent entendre les carillons de l'enfer que les harpes du Nirvana...Elle n'avait guère foi en ces mondes irréalistes où l'on promettait bonheur et félicité à tout bon benêt, à ces mondes pour lesquels l'on devait tendre l'autre joue si l'on se faisait déchirer la première...Fadaises, tout n'était que fadaises, la vie sur Adhénor était vouée à sa perte, seul le chaos régnerait et les ignares n'auraient même plus leur âme pour s'en lamenter...
Que faire ? Que tenter ? Où se réfugier pour échapper à cette furie collective ? Qui croire ?

Comme à son habitude la divine humanoïde interpréta ses questions en une mélopée interprétée d'une voix sourde et vibrante qui faisait imperceptiblement vibrer les mosaïques de verres de l'édifice.
Recouverte d'une fine veste de cuir qui ne dissimulait à la vue que son imposante poitrine, les yeux clos, sa longue chevelure d'argent retenue en un strict chignon elle semblait venir d'un univers autre, insensible au frottement du marbre froid contre ses genoux à peine protégés par des cuissardes impressionantes.
Un démon en lieu saint, voilà ce qu'aurait immédiatement pensé un croyant en assistant à tel spectacle ne sachant trop si il pouvait se laisser aller à la séduction d'une voix qu'envieraient les admirateurs d'éunuque, une voix asexuée, pure et capable d'atteindre les plus hautes harmoniques en décibels destructeurs.

Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait goûté à l'ivresse du sang, qu'elle n'avait laissé libre cours à cet autre barbare et primaire qui ne demandait qu'à boire quelques unes de ces vies impures et destinées à une fin quelconque...Oui cela faisait bien longtemps qu'elle se retenait d'attaquer,d'imaginer la jouissance que lui apporterait la vision d'un de ces beaux visages tordu d'une douleur infinie avant que des perles de ce sublime iquide vermeil ne s'écoulent de ses orifices oculaires...Par tous les saints le spectacle était si enchanteur...Combien de temps tiendrait-elle ?
Gaïa n'était pas une vampire, elle ne se nourrissait pas de sang, mais la texture d'un corps en proie à la souffrance où l'odeur énivrante teintée d'une pointe de fer suffisait à susciter en son sein des réactions certes malsaines mais à vrai dire euphorique...
Depuis plusieurs semaines, malgré elle, elle déclinait les invitations libidineuses de créatures ou humains aux pensées noyées de luxure car la finalité d'une telle entreprise lui était bien connue.

Elle lui avait promis d'essayer de se retenir, de ne se consacrer qu'à son dossier...Elle lui avait promis...
Diable que c'était difficile, elle se sentait tenaillée, déchirée au plus profond d'elle même ....Qu'était-elle donc devenue ?
Tous les êtres de sa race se sentaient ils un jour ou l'autre en proie à de telles pulsions ? Combien de temps tiendrait-elle ainsi simple naufragée accrochée à des idéaux dépassés ? Combien de temps ?

(Je me suis retenue de ne pas mettre "Vois sur ton chemiiiiiiiiiin" pour garder une part de sérieux mais bon...Topic réservé au pauvre mortel qui se reconnaîtra)

Invité

Eole ne s'était guère montrer clément lors de cette nuit d'ébène. Nuit comme tant d'autres, cercle vicieux eternel recommencement. Une nuit de plus pour le Tueur banni. L'un des être les plus tristement célèbre, ce prince déchu. Antechrist de toute une nation. Digne sérviteur du Cercle du Graal. Après cette soirée de massacres et de sainte purification l'homme se rendait à moto vers l'église. Endroit abstrait de tout où sous le couvert d'une religion dite païenne par les monstres était le garant du sursaut d'humanité d'Ethan. Il pénétra donc dans l'eglise tout en pratiquant son signe de Croix et il avança vers l'Autel. Pour lui aucun éspoir de rédemption.

Les prémices de l'enfer s'étaient déja mit en oeuvre, prêt à la moindre ocassion d'inhumer l'humain pour lui ouvrir sa suite dans les océans de feu. Une inquétente ode, pareille à une singulière mélopée bourdonnait dans l'édifice sacré. Une voix envoûtante pareille à la caresse dorée d'un Ange sur une peau d'enfant. Qui était donc cette personne à la voix si touchante. Il s'approcha jusqu'a distinguer clairement la race de l'immaculé choriste.

Les yeux fermés, Ethan s'amusait de cette impression de complète solitude, les bruits autour de lui comme de lointains bourdons. Mille bruissements d'ailes, soie liquide qui effleurait la bulle, et le masque qui le dissimulait aux yeux du monde. Il n'était rien de plus que cela au fond. Il n'était même pas cela. Les fragrances de magnolie l'enveloppaient tout entier, il les buvait en un soupir. Invisivble aux yeux de la jeune femme, repus par cette dure soirée il s'assit sur un banc façe au regard percant du Christ. Un regard trop accusateur pour être longtemps soutenu.

Cette étrange sensation lui donnait l'impression d'être libre. Utopique petit Ethan.

Comment pouvait on se sentir libre? Qu'appelait on la liberté? Etait cette sensation que tous cherchaient sous les apparats safranés, les faciès d'argile... Etre quelqu'un d'autre pour s'oublier soi-même, devenir l'espace de quelques jours un être éthéré que le monde oubliera vite. Caresser les coeurs de la pointe des lèvres, le temps juste d'apprendre le goût de sentiments inconnus...

La beauté aussi bien de la femme que de la musique frappait en plein coeur l'être dénudé d'amour qu'était Ethan, comment une créature pouvait elle être aussi belle ? Les Effluves du chant pénétrait toujours plus le coeur d'albâtre du cyborg. Ne pouvait s'empêcher d'être malgré lui brisé par ces peurs qui refaissaient surfaçe. A quoi bon chanter pour l'Absolution ? Oublier ses chimères désabusé. Embrasser toujours plus fort les baisers déchirées du coeur humain ? Magnifique créature. Que le monde est abjet, au fond tu es une hideuse merveille...

" Votre voix est magnifique. Ne vous arrêter pas, je vous en prie "

Murmura, inaubible pour un humain, audible pour une créature. La voix comme un scalpel qui déchire avec précision la toile tissée, la flamme trembla, mise à mal par ce quidam qui ne voulait pas se prêter au jeu pour lequel la sphère été destinée. Il sourit, ne relachant pas sa garde...

Sing for Absolution...

( Et il est là ! Ne pouvant s'empêcher de remarquer que Muse te donnes des idées Pêcheresse en lieu saint Kao2

)

En cet instant même le ragnarok n'aurait su interrompre l'étrange litanie de la belle monstruosité.
A croire que le salut de son âme lui importait plus que celui de sa courte vie...Ce qui pourrait l'assimiler à une croyante hindoue craintive pour la sauvegarde d'un karma déjà trop entaché.
Le roulement des vagues embaumait son coeur d'un voile suave et apaisant...
Elle avait toujours su que la musique serait son attache à l'espoir d'un quelconque bonheur mais pour une raison qui lui demeurait toujours inconnue, elle n'était jamais arrivée à laisser pleinement son âme tortueuse s'exprimer en la présence d'un auditeur...
Jamais...
Même la présence de son bienveillant pygmalion n'avait réussi à insuffler assez de vie à ses ailes lyriques pour leur permettre de l'entrainer dans une valse vocale enchanteresse...
C'est un bonheur à la fois simple et étrange, intime et exclusif qu'elle n'avait jamais osé partager comme ces perles de diamant qu'elle s'obstinait à dissimuler à la vue de tous.
Ses collègues pensaient connaître mieux qu'elle la source de son mal intérieur mais ils se fourvoyaient tous, quelle impudence que de penser mieux dépecer la personnalité d'un être qui avait les moyens d'ériger ses propres remparts mensongers...Quelle naïveté...

Que faisait-elle donc en cette église abandonnée, vulnérable à la vue et surtout à l'ouïe de tout individu tel celui qui venait de faire irruption sur la scène.
Elle avait toujours eu pour habitude de s'enfermer dans ses appartements blindés et insonorisés où nul n'osait la déranger tant les pièges dissimulés en ce lieu lui attirait une réputation dissuadant toute curiosité malsaine, elle avait toujours eu l'habitude de s'enclaver en des endroits où les dégâts matériels que sa voix pourrait causer n'attireraient aucunement l'attention d'un quelconque manant...
Qu'est ce qui avait changé ?
Sa soif de violence l'avait-elle poussée à attirer d'une manière inhabituelle une nouvelle proie ?

En parlant de proie dès qu'il avait fait irruption dans l'église les battements du coeur malmené de la jeune femme s'étaient accélérés, ce n'était certes guère un saint mais elle n'avait pas ressenti le besoin de se retourner pour pallier à sa vulnérabilité...
A sa grande surprise, l'inconnu qui dégageait dailleurs une étrange odeur teintée d'humanité, rien de bien rassurant cependant.
Sans parler du ton rauque et bas d'une voix qui ne se voulait point menaçante pourtant...
Savait-il à qui il avait affaire, où la surprise de la chose lui avait-elle ôté toute rationalité ? Les manifestations de l'Art avaient souvent ce genre d'effet...

Elle même il y a deux ans de cela s'était laissée prendre au jeu en tombant par hasard sur un petit humain d'apparence fort aisée ce qui n'otait rien à son sublime sourire dénué de malice.
Alors qu'il voguait entre les ruelles, silhouette immaculée d'innocence, des écouteurs dans les oreilles, le petit s'était accroché au bas du jupon de l'humanoïde qui, fort surprise s'était accroupie pour s'enquérir du pourquoi d'une telle audace.
C'est alors qu'aussi étrange que cela paraisse, elle eut la conversation la plus enrichissante de son existence...
Cette adorable bouille bourrée d'une touchante innocence avait simplement attirée son attention parcequ'il la trouvait belle et triste, alors il s'était généreusement qu'en lui faisant un peu écouter son disque de platine intégré, peut être arriverait-il à tirer un sourire de ce beau visage déjà trop usé.
Du classique, le bambin égayait ses journées de solo de piano, d'harpe et sans l'ombre d'une arrière pensée lui avait fait goûter un monde qu'elle ignorait jusque là, un monde d'évasion des sens qui dès lors fut son unique salut face à sa folie si particulière...

Elle sentait approcher ce sinistre auditeur, silencieux, prudent et semblant pourtant envoûté par la vibration qui émouvaient jusqu'au cierges dressés sur l'autel.Elle le sentait approcher de cette démarche mesurée et muette que seuls adoptaient les chasseurs expérimentés ce qui lui apprit la nature de cet être...Un prédateur...Peut être bien un tueur si il s'agissait d'un humain..Mais dans ce cas il ne se serait point contenté de l'inciter à la continuité d'un air si paisible, il se serait juste contenté dans la logique des choses de la capturer ou de l'exterminer...Aussi simple qu'il n'y paraissait.
Mais elle ne voulait se résoudre à tuer cette nuit, si la lueur de son âme ne réchauffait point son coeur meurtri, s'accrocher à ses idéaux lui permettrait peut être d'émerger de ces eaux sombres et menaçantes dans lesquelles elle baignait depuis...

Avec une grâce infinie et une lenteur délibérée, la hll à l'épaisse chevelure d'argent se retourna sans discontinuer dans l'effort mélodique auquel elle s'adonnait afin de faire face debout à son interlocuteur.
Avec surprise, il put clairement distinguer à la lueur de la nuit un sourire confiant,innocent et heureux, de ces sourires que l'on ne croise que rarement dans la vie d'une créature...
Mais Gaïa se sentait en communion avec sa bête et plus rien n'existait que cet espace restreint, cette ambiance solennelle.
Lentement, délibérément, elle s'approcha d'Ethan sa poitrine se gonflant sous l'inspiration créatrice de la rhapsodie avant de violer son espace personnel pour ôter aussi lentement un gant et promener une main étrangement douce sur ses joues burinées.
La puissante voix se mua en un murmure enchanteur tandis qu'elle plantait son regard embrumé dans celui d'acier de l'homme qui lui faisait face, droit, imposant et dangereux.
Elle interprétait tout simplement une ode vénitienne antique avec l'émouvante voix d'un castrat.Tout simplement...

(eh non pas de Muse cette fois mon tendre ami,un simple hommage à La voix des Anges de notre chère Anne Rice Pêcheresse en lieu saint Kao5

)

Invité

Des bruits de pas, discrets. Glissant à même le sol, un félin en chasse. Embrassant la nuit, apprivoisant ses moindres recoins d'ombre. Le Jardin d'Eden, lieu au nom aussi tentateur pour un démon qu'une flamme pour un papillon. En même temps que ses sens reprenaient possession du décor l'entourant, sa mémoire, elle, s'activait. Les souvenirs filaient, tresse nocturne tendue au travers du labyrinthe s'étendant face à lui. Un goût de baiser volé, d'odieuse machination emplissait à nouveau les veines d'Ethan. Des regrets? Pas de regrets.

Face à face. Le Tueur observait silencieusement son interlocuteur de cet air neutre et froid dont il était passé maître. Des cheveux de jais, un visage énigmatique. Que faisait-il là, en une pareille heure? Insomnie ou autre, peu lui importait. Les raisons de sa présence ne l'intéressaient pas. Imperturbable, la main du britannique faisait machinalement la navette de la cigarette jusqu'à sa bouche, créant une barrière argentée entre lui et cet étrange individu. Aucun ange à l'autel. Se détournant,

Ethan s'installa tranquillement au bord de la fontaine, ignorant momentanément la chanteuse il ne pouvait cependent nier la toute évidence, cette voix déroutante. Puis le contact charnels se fit, gant qui tombe au sol. Puis cet étrange contact, ces mains tièdes effleurant, carressant avec volupté la joue pâle. Drôle de sensation que la douceur.

Ils devaient tout deux former un tableau bien étrange car leurs visages se répondaient tel un miroir... Symétriques... Mais pas semblable pourtant. Lumière et Ténèbres des prunelles qui se jaugeaient sans se battre. L'inconnu dans son maintien offrait une élégance qui ne se retrouvait pas chez Gaïa, plus éthéré et plus distant. Ethan faisait partie de ces gens calmes qui par un sourire, un regard, un froncement de sourcils, sont capables de faire saisir à leurs interlocuteurs le fond de leur pensée, pour peu que ceux ci soit assez fin pour en comprendre le sens. Mais ce calme qui s'apparentait souvent à de l'impassibilité pouvait en d'autres circonstances passer pour de l'indifférence, du mépris ou de la mélancolie...

" Il est un peu tard pour un Reqiem ? "

Simple phrase légère provocation amusén Ethan n'aimait pas montrer sa sensibilité. Ces plaies qu'on exhibent pour mieux y pénétrer la lame de remords brisés. Rien ne lui était plus désagréable que de voir ses tourments mit à nue.

Ce genre d'exercice perpétuel, véritable exorcisme des pensées que l'esprit rumine sans jamais les digérer, représentait une véritable lutte, un dernier combat avant la trève qu'amenait un sommeil sans rêve. Un répit bien éphémère après une errance qu'on prolonge par-delà les heures du loup. Et voila que, pour une fois, l'ange aux ailes d'iceberg se voyait octroyer par le hasard un partenaire pour lui donner la réplique. Il était trop tard pour s'en offenser; les dés étaient jetés. Autant se jouer des circonstances comme il l'avait toujours fait jusqu'à maintenant, emmêlant au passage les fils que les regards tissaient tout autour de lui.

Pourtant il y avait autre chose… La peur, délicieuse et acide, venait taquiner de sa langue le creux de son ventre, signal d’alarme qui pimentait le jeu. Il n'avait jamais été la proie… mais jamais autant que maintenant il n’avait eu la sensation qu’il pourrait bel et bien être dévoré par ce fauve au visage d’ange, au regard d’acier, à la voix de velours. Aucune tension ne venait déformer la ligne douce de ses épaules, pourquoi se rebeller contre l’inévitable. Il se laisserait gentiment déguster…

Cette présence étrangère derrière lui le rendait plus sensible encore au moindre bruit, l’impatience blessait ses doigts, mordant l’épiderme fragile de ses paumes. Le chat et la souris… Qu’il tire les fils, qui sait si la souris ne parviendrait pas à s’échapper…Un festin raté. Une chance gâchée. Mais au lieu de se diriger vers la porte qui l’appelait, silencieuse, le Tueur se retourna tranquillement, le soleil lunaire auréolait son séduisant compagnon, posant sur ses épaules une cape safranée. Il dit alors d'une voix dardé de mélancolie:

" Je suis Ethan, et vous mademoiselle, quel prénom se cache derrière une si belle voix ? "

Il huma l'air frais du soir, puis à son tour poussant le jeu toujours plus loin il passa une main dans la longue chevelure éparse de sa tendre amie d'un soir. L'Analyse visuelle s'était achevé et seule l'auréole ironique d'un rayon de soleil changeur aurait permit de changer la nature de la créature, puisque il s'agissait bien d'une bâtarde. Quel déchirement. Mais Ethan luissant d'une instance éphémère de miséricorde décida que la voix ô combien charmeuse de son intérlocutrice méritait la tolérence, il l'acceptait. Grande première...

Blackout...

Le vague intérieur d’une maison du Seigneur nimbée d’une aurore rougeoyante et inquiétante teintée des mille reflets des mosaïques si artisanalement élaborées.
Un paysage aux rebords indistincts, en perpétuel mouvement où ne se détachaient que ses figures emblématiques tel la statue dominante, imposante et écrasante de la vierge au regard implacable, celle de son bien-aimé fils sacrifié sur l’autel de l’orgueil humain et ...
Cet étrange inconnu à l’allure si nonchalante et à la fois si …farouche.
D’une stature presque impressionnante pour un être qui dégageait une odeur vaguement humaine, une relativement désagréable impression de violence se dégageait de lui.
Elle n’aurait su dire …

Sans se bercer d’illusions elle se doutait bien qu’une apparence si lascive pouvait déceler la sauvagerie et l’acharnement les plus horrifiants au combat.
Qui donc était-il ? Une de ces petites voix viciées lui soufflait avec fourberie une nature sinueuse et diverse. Une partie de cet être n’était pas humaine, restait à se demander quelle était la réelle raison de sa présence en ces lieux…
Après tout qui était elle pour s’appesantir sur la non humanité d’une personne ? A chaque aube qu’embrassaient ses grandes prunelles masquées, elle se sentait de plus en plus étrangères aux émotions, sensations, attitudes et états d’esprit que l’on pourrait qualifier de conformes à la norme.
La norme, une des notions les plus abstraites dont son esprit autarcique ne jugeait bon de s’embarrasser.
Pourquoi s’identifier à une attitude commune, irrationnelle et ennuyeuse qui n’aura que pour aimable finalité de vous faire douter de vos capacités de personnalisation, de votre existence individuelle. Il était bien plus convenable de se créer une représentation du monde satisfaisante mais indéniablement liée à la réalité avec ses avantages et ses cruautés, atténuées ou pas.
Les mentalités les plus puissantes échappaient à la folie et à la détresse avec des méthodes propres telles que l’humour noir, le déni, le stoïcisme, le fanatisme, l’aveuglement..

Chaque méthode avait ses avantages, celle de Gaïa lui était bien propre : un masque implacable.
Car il ne faut point s’y tromper, voir le monde avec des yeux différents ne dissimule en rien au spectateur la perpétuelle menace de la douleur et du néant.
En ce qui concernait la splendide créature, ses craintes ne sont pas celles que l’on pourrait deviner, il ne s’agit pas de la peur de la fin, du vide ou de la douleur mais de celle qui pouvait faire naître en son cœur froid, faiblesse, pathétisme et pitié, car c’est de ces gouffres que naît la peur du néant. Pensée aisément traduite ainsi par la jeune femme : « La mort ne m’effraie pas, je crains bien plus l’amour car c’est de ce sentiment que naît la phobie de l’au-delà ».
En effet pour elle, toute forme de sentiment passionnel quelqu’il soit entraînait une dépendance accrue, un besoin insatiable de s’accrocher à la présente réalité et donc la crainte de disparaître.

C’était peut être bien de là que naissait ce que ses congénères appelaient sa ‘folie’, de cette indifférence à la mort, c’était aussi peut être de là que venait sa totale inhibition de sentiments à l’évocation du sang… Mais cela faisait bien longtemps qu’elle avait arrêté de s’interroger sur le pourquoi de ses perceptions. Bien longtemps…

Toute à ses pensées, l’Artiste avait complètement oublié la scène sur laquelle elle se trouvait, actrice malgré elle d’un acte dont l’issue s’avérait des plus incertaines.
Sa vision édulcorée de l’espace ne lui offrait clairement que le regard amusé et intrigant de son atypique interlocuteur. Peut être s’était elle attendue à une réaction violente de sa part lorsqu’elle avait osé le toucher d’une manière aussi …personnelle.
Mais une voix sourde et grondante lui revint en un bas murmure. Aussi inclina t’elle légèrement la tête sur le côté, le regard perçant avant de répondre d’un ton imperceptible :

« Les morts se soucient bien peu des sables du temps »

A cette phrase lâchée de manière plus instinctive que réfléchie elle pensa avec l’ombre d’un sourire qu’elle risquait alors de passer pour une vampire, de par son excentricité, son amour pour le post-crépuscule et cette ambiguë évocation morbide. Mais si comme elle le pensait, la personne qui lui faisait se dissimulait derrière un masque en n’étant point ce qu’elle paraissait être, elle avait dû deviner sa nature à la seule octave de sa voix trop haute pour un être humain, une voix qu’elle retenait pourtant pour ne pas lui ôter ce qui la rendait si gracieuse et enchanteresse, pour ne pas la laisser se muer en une authentique arme sonore incendiaire. Il avait dû deviner et après tout elle ne faisait rien pour s’en cacher.

Un éclair rétrécit en un quart de seconde sa pupille …
Encore un de ces flashs déplaisants qui lui faisaient apparaître en une fraction de seconde tout être de vivant comme une nourriture potentielle…Très déplaisant, et une fois de plus elle ne put s’empêcher de se morigéner intérieurement de n’avoir pu se passer de quelques lourdes gorgées d’Aple avant de sortir… Un beau jour cette satanée liqueur lui jouerait un tour qu’elle n’oublierait pas de sitôt…
Un seul problème à la fois.

Lorsqu’il lui révéla son nom elle ne put s’empêcher de se redresser le regard alerte, ses pupilles reprenant leur apparence habituelle.
Etrange, on ne donne pas son nom à sa future victime à moins que par pur sadisme ou orgueil on souhaite attirer sa malédiction de l’autre côté du Styx en le lui révélant…Quel machisme…
Il n’avait pourtant pas l’air agressif, loin de là, comme un de ces fauves d’ordinaire sauvage et dangereux qui, rassasié, vous paraît étrangement pacifique. Ce qui ne la ferait tout de même pas dormir sur ses lauriers, en 22 ans elle était tombée sur des tueurs développant une certaine aptitude pour la comédie. Autant donc ne dormir que d’un œil.
Mais bien qu’elle n’oserait jamais l’admettre par pur orgueil mal placé la douceur mélancolique de sa voix la tétanisa. Quel brusque changement d’apparence.

Elle sut en cet instant que l’homme cachait en son âme une souffrance qu’il jugeait comme tant d’autres infinie, qu’il tirait difficilement tel un condamné son boulet… Une souffrance qui devait le plonger dans une solitude abyssale… Une solitude qu’elle ne connaissait que trop…
Raidie par ce constat elle faillit sursauter lorsque les doigts de l’inconnu se glissèrent insidieusement dans sa longue et épaisse chevelure de lune.
Un geste remarquablement intime, plus même que sa paume passée sur ces joues pâles. Un geste que l’on attribuait de manière à une personne très proche, à un enfant, un compagnon ou un animal. Un geste qui la fit hausser un sourcil incquisiteur mais qui ne l’incita tout de même pas à réagir de manière incontrôlée.
Après tout qui avait commencé ?

Yeux clos, l’air rêveur et absent, elle laissa ses longs doigts fragiles sur ce bras avide, laissant ses ongles glisser en effleurant la peau offerte jusqu’au creux du coude tandis qu’elle soufflait d’une voix rauque :

« Gaïa, jeune homme à la douleur si majestueuse … »

Economie de mots prévenait toute imprudence...
As de pique.